D'un pas distrait, je ne sais pourquoi, je me suis dirigé vers cet endroit. J'entends des cris, des hurlements, quoi de plus normal dans un lieu où il y a des bambins ? D'ailleurs, je vois aussi de charmantes jeunes femmes qui papotent entre elles, jetant des regards à leurs petits enfants pour ne pas culpabiliser au cas où ils tombent ou se blessent. C'est toujours comme ça. Touché par un sentiment quelque peu nostalgique, je me pose sur l'une des tables libres. Par contre, il ne faut pas rêver, je me pose directement sur la table, je n'ai jamais aimé être sur ces bancs qui te font plus mal au cul qu'autre chose. Je jette un regard circulaire à l'environnement qui s'offre à moi. De mon petit coin perché, je peux voir des enfants qui jouent, tous ignorant de la vie. Je ne peux m'empêcher de soupirer... C'est si beau d'être enfant. On connait rien, on ne sait rien, on se contente de se perdre dans ses désirs et ses besoins. On s'émerveille de tout, on voit la vie comme un jeu. C'est si mignon.
D'un mouvement, j'attrape mon paquet de cigarette se trouvant dans ma poche arrière. Je fixe mon regard dessus. C'est comme cette saloperie, quand tu es enfant, tu n'y penses pas, tu prends des sucettes, tu manges des bonbons... Tu penses pas à cette foutue clope qui devient ta seconde âme. Et là, au malheur, je me sens vieux et con. C'est quoi ma vie en fait ? Enlever la vie d'autres. Difficile de vivre avec ce lourd fardeau que de savoir que tu as volontairement tué des gens... Et qu'en plus, à certains moments, tu y as sans doute pris plaisir. Ouais, plaisir... Car cette douce adrénaline quand tu sens que tu as gagné, c'est proche du plaisir, pour ne pas dire la même chose. Mais... C'est que j'en deviendrais presque négatif avec tout ça! Où se trouve donc l'Esteban agréable, rigolo et toujours positif ? Absent... On dirait.

Avec tout ça, je fixe toujours les enfants qui jouent à glisser sur le toboggan. Je prend une latte, je souffle. Et je ne peux que sourire en voyant l'agréable tête de ces petits enfants qui s'amusent. C'est toujours adorable quand on est enfant. D'un coup d'œil, je vois une mère seule qui galère avec son fils qui ne l'écoute pas. Elle semble le gronder, je fronce les sourcils, curieux. Je penche un peu la tête pour mieux voir. Il semble jouer avec un petit fusil... sans doute tire-t-il sur ces camarades vu comment l'un des enfants semble pleurer. D'ailleurs, j'en vois une qui n'est pas loin de moi. Elle s'est réfugiée dans un petit coin, pleurant. Je fais une petite moue, la regardant même si elle ne me voit pas. Je regarde mon sac, normalement, je dois avoir des gâteaux. J'entreprends donc de fouiller dedans, au bout de quelques secondes, j'ai trouvé mon bonheur. Je me retourne donc vers la petite fille qui se trouve toujours dans son coin. Je jette un regard, sa mère ne semble pas l'avoir vu ou alors, elle ne la regarde même pas. D'un petit sifflement, j'interpèle la petite. Elle se retourne, surprise, me jetant un regard mauvais. Je ne peux m'empêcher d'avoir un petit rire avant de tendre mon paquet de gâteau. Rien ne sert de parler, elle ne semblait pas en avoir envie.
D'un petit pas méfiant et peureux, elle se glisse vers la table pour s'asseoir sur le bord, attrapant un gâteau au passage. Je souris et retourne à ma contemplation. L'enfant se trouve toujours là. Non, je ne parlerais pas.

Ouais ouais... Je me fais chier... comme à mon habitude vous me direz. Pourquoi je suis là ? Parce que je me fais chier, je viens de vous le dire. Le soleil tape, je marchais dans les rues et au miracle, j'ai vu ce coin venimeux... Ouais, venimeux. Un seul endroit est dans l'ombre. Un seul endroit mais il y a deux choses que je déteste : une enfant et Esteban. Je regarde un peu les rues, j'ai pas non plus envie de marcher pendant trois ans dans ces foutus ruelles avec ces putains de passants qui ne savent pas que me regarder de travers est une chose dangereuse pour leur vie. Donc pour leur bonheur et mon esprit, j'avance doucement. Et j'en ai déjà marre... Entendre ces gamins gueuler comme des oiseaux le feraient c'est vraiment pas mon truc. En quoi c'est mignon un gamin, vous pouvez me dire? Enfin bref, je marche docilement, esquivant ces trucs qui me passent devant sans faire attention. Marre de ces gosses. On m'a toujours dit que l'enfant est insouciant... Faut bien croire vu qu'ils me heurtent à divers moments. Je me retiens de pas leur en coller une, ce sont des petits quand même. Je me distrais en me disant que, peut-être, plus tard, je pourrais leur coller une balle. Ce petit moment d'égarement me fait décrocher un sourire. Sadique ? Sans doute mais bon, il faut bien voir le monde tel qu'il est.

Ma vision des choses est très négative ? Sans doute mais en quoi le monde ne l'est pas ? Sincèrement, vivre sur cette terre n'est pas la chose la plus positive qui existe. Mais bon, on y est, autant y rester. C'est un peu ma devise. J'avance donc toujours, prenant mon temps, m'allumant une cigarette au passage. Doucement, j'arrive dans le champ de vision de cet homme que j'ai beaucoup de mal à supporter. Peu à peu, je suis assez prés de lui, je fais donc un autre pas.

"- Yoh. Même si ça te fait chier, je m'installe, j'en peux plus de ce soleil."

Sans attendre sa réponse, comme pour appuyer ma phrase, je me pose à ses côtés. La petite fille écarquille quelque peu les yeux, je fronce les sourcils, la dévisageant. Je n'apprécie pas qu'on me regarde comme un phénomène de foire. Mise à part cela, je profite quand même de cette emplacement, reposant mes jambes et savourant l'ombre qui se trouve au dessus de ma tête maintenant.