D’un pas assez lent, prenant son temps, Sulivan monta les escaliers. Le jeune homme qui se trouvait derrière lui semblait quelque peu atypique avec ses cheveux blancs et qui plus est, assez long. Cependant, il avait apprécié son regard, sa tenue, l’aura mystérieuse qui s’en dégageait. En un regard, il avait plu à Sulivan. C’était toujours comme ça. Le premier regard est toujours révélateur, c’est celui qui énonce tout. Si vous savez l’interpréter alors vous possédez un atout. Sulivan marchait beaucoup comme ça. Parler était pour lui quelque peu superflu, cela servait à jouer des politesses, à combler des vides, à plaisanter mais pas a réellement exprimer ses sentiments. Les yeux, le regard étaient là pour ça.
Ils arrivaient enfin dans le couloir, Sulivan marcha un peu plus rapidement. L’heure n’était plus aux rêveries, il avait encore un travail monstre à effectuer. Ce petit journaliste était comme cela, il réfléchissait beaucoup trop. Il commença à tâtonner dans ses poches, à la recherche de ses clés. Poche de la chemise, poche avant du pantalon, poche arrière du pantalon, pas de clés. Il commença à paniquer intérieurement, ses mouvements devinrent plus saccadés. Il rechercha une nouvelle fois, toujours la même chose. Il ne put se retenir de se maudire intérieurement, où avait-il encore mis ses clés? Sulivan était comme cela, il avait une grosse tendance à tout oublier.
Vint le moment où il arriva devant la porte, il resta figé. Pendant quelques secondes, il se demandait comment faire pour ne pas paraître idiot devant l’homme qui l’accompagnait. Un journaliste qui oublie tout, c’était quand même un comble. Une troisième recherche, toujours rien. Il ferma les yeux, essayant de se repasser les étapes de sa sortie, aucune vision des clés. Il soupira quelque peu puis posa la main sur la poignée. On pouvait toujours espérer qu’elle s’ouvre… Et c’est-ce qu’elle fit. La porte s’ouvra. Un sourire étincelant fit son apparition sur son joli minois. Des fois, il aimait sa manie de tout oublier. D’un pas détendu et rempli d’assurance, il posa pied dans son antre. Il laissa un petit sourire à Caladrik, l’invitant à entrer et à s’installer. Rien de plus qu’un sourire. Suite à cela, il alla prendre place dans son fauteuil. Il jeta un regard à ces oiseaux qui piaillaient doucement puis revint vers Caladrik qui avançait vers le bureau.

« - Tout d’abord, je vous souhaite la bienvenue. Je me présente, je suis le rédacteur en chef. »

Le dos bien calé contre son dossier, se tenant bien sur son siège, il avança sa main vers son paquet de cigarette. Il en prit une et l’amena à sa bouche avant de continuer…

« - Alors, Monsieur… »

Il relut vite fait le nom sur le dossier. Saleté de mémoire.

« - Bluesman… Pourquoi avez-vous choisi notre gazette ? »

Sa question avait été directe et simple. Il l’avait prononcé avec gentillesse. Malgré tout, la question semblait déterminante pour la suite de l’entretien. Elle pouvait être déstabilisante et Sulivan le savait très bien. Il la termina par un sourire et semblait curieux de la réponse qui allait suivre. Il jeta encore un regard à ces petits oiseaux, reprit une taffe sur sa cigarette. Ce jeune homme n’avait vraiment pas l’air d’être un journaliste. C’était souvent ce qu’on lui disait. A chaque fois, il se contentait de répondre avec un sourire des plus charmants. L’habit ne fait pas le moine, dieu qu’il aimait ce proverbe.

Edit by Esteban & Corrigé ♥

Caladrik suivait alors le jeune rédacteur en chef, voyant ses gestes devenir de plus en plus agités au fil des marches. Pourtant, il avait l'air d'être un homme plutôt détendu et calme.

*Que lui arrive-t-il ? Le stress ? Non, il ne peut pas stresser, c'est moi qui dois être embauché. L'anxiété ? Il ne donne pas l'impression d'une impatience qui se trahirait si facilement. Je ne pense pas être charismatique à tel point de causer des troubles si visibles, surtout à un homme avec une telle aura. Alors quoi ? Ce n'est peut-être rien de grave, je saurais peut être plus tard.*

C'est alors qu'il vit son stress s'évanouir aussi vite que la pluie en été, poussée par un vent salvateur. Arrivé à son bureau, il paraissait...transformé...soulagé...cela ne devait pas être si important pour disparaître aussi rapidement que c'était arrivé. Il prit le temps d'observer la pièce : malgré un côté assez impersonnel, Caladrik trouvait à cette pièce un petit quelque chose d’apaisant. Une simplicité personnelle ou une complexité impersonnelle, Caladrik n'aurait su trouver la différence, mais il se sentait plus détendu. Et le sourire du jeune homme accentua cette impression.

Caladrik rendit son sourire au rédacteur. Ce sourire montrait la force de caractère de celui-ci : rien ne pouvait le déstabiliser à ce moment, ni le stress, ni le lieu, ni même l'homme le plus charismatique du monde ne pourrait retirer ce sourire confiant de son visage, ni ce regard déterminé. Il prit place sur le canapé à côté de lui, prit une posture décontractée, mais professionnelle en même temps et observa l’extérieur par la vitre. Puis écouta son peut-être futur patron et répondit :

"Et bien, j'ai entendu parler de ce journal par un ex-collègue, il m'a dit que ce journal avait toujours une longueur d'avance sur pratiquement tout, si ce n'est tout, et surtout sur les autres journaux. De plus, j'ai également entendu dire que vous n'êtes pas strict sur la manière d'obtenir des informations. J'aime cette façon de penser et je n'ai jamais aimé mes anciens boulots dans un autre journal. Un patron vaniteux, des horaires stricts, une manière de travailler imposé et académique. Nan, ce n'est définitivement pas mon truc. Et j'ai l'impression que ce journal n'a rien d'académique et de strict. Mais attention je peux être très discipliné, seulement je préfère choisir ma propre méthode de discipline, je n'aime pas l'imposé, le "tout-fait", le "pré mâché". Donc après mes voyages, j'ai choisi de vivre une vie moins monotone et répétitive. Et j'ai l'impression que ce journal peut me l'offrir."

Caladrik était fier de sa réponse, il avait été franc et n'avait pas mis de fioriture, n'avait pas tourné autour du pot. À question directe, réponse directe. Il sentait que le mensonge ou l'hésitation n'était pas la bonne solution avec lui et il jugeait préférable d'y aller franc-jeu. Mais cette solution allait-elle porter ses fruits ?

Sulivan l’écoutait, jouant avec sa clope. Il la tenait du bout des doigts et prenait de lentes taffes dessus. Chaque mots, chaque expressions sur le visage du jeune homme était analysé. Il avait été franc et direct. C’était déjà ça de gagner. Quand il eut fini de parler, le silence s’installa. Sulivan était en pleine réflexion. Il avait du cran, un caractère assez dur pour supporter quoi que ce soit. Mais une chose le dérangeait. Les apparences étaient souvent trompeuses et il était bien placé pour le savoir. Avec une grande rapidité, Sulivan trouva la solution. Cependant, il laissa le calme s’installer un peu plus. Profitant de ce temps pour repenser au schéma que son cerveau fabriquait. Il écrasa sa cigarette puis alla croisé ses mains derrière sa tête.

« - Cela est vrai, nous avons une longueur d’avance. Nous jouons avec les cartes que nous avons en main et l’une d’elle est l’illégalité. J’ai une question qui me trotte dans la tête… Seriez-vous capable d’obtenir des informations par des moyens illégaux ? Je vous regarde depuis tout à l’heure. Vous me semblez audacieux, prêt à tout. Malheureusement, tout est toujours différent quand on est vraiment confronté à la situation. Parler est quelque chose de simple. Le faire, c’est une autre paire de manche. Mais, ce que vous dites est vrai. Nous n’avons pas de règles. Je ne serais quasiment jamais derrière votre dos, je ne vous contrôlerais pas, ni vos sources, ni vos dires. Je fais une pleine confiance aux membres pour la simple et bonne raison que vous êtes seul. Si vous jouez avec l’illégalité et que vous vous faites repérer, je ne vous aiderai pas. Si vous donnez une nouvelle fausse et que cela attire les charognards de l’Etat ou encore des autres journalistes, vous en êtes le seul responsable. Les comptes ne seront demandés qu’à ce moment, et encore, je n’en suis pas sûr. »

Il s’arrêta, laissant ces mots traverser l’esprit de son hôte. Son monologue n’avait aucune méchanceté. Malgré tout, il voulait le prévenir, ne pas l’envoyer dans l’aventure sans qu’il ne sache vraiment ce qu’il l’attend. C’était un fait. Si il avait de l’avance, c’était simplement parce qu’il était souvent dans l’illégalité, ou alors, qu’il côtoyait des gens qui l’étaient. Pour lui, cela revenait à la même chose. Il eut un sourire. Malgré sa franchise qui pouvait être pris comme une certaine méchanceté, Sulivan gardait un sourire agréable, à la limite du adorable. Sulivan était tous sauf méchant. Pourtant, certaine personne pouvait le croire dut à son aspect réfléchi et très direct. Une chose était aussi fâcheuse pour certaines personnes, c’était son visage qui ne laissait passer aucune idée réel. Les émotions traversaient mais pas ses idées, pas sa pensée. C’était sans doute pour cela aussi qu’il était apprécié. Le mystère était de mise avec cet homme à l’allure si douce et élégante. Il eut un énième sourire, laissant le calme s’installer. Il attendit patiemment qu’il répond. Suli était assez curieux de savoir ce qu’allait lui répondre son interlocuteur. C’était maintenant une simple vérification, il savait que cet homme avait les capacités pour le rejoindre. Pourtant, il n’en laissa rien paraître.

Malheureusement, son téléphone venait stopper ce dialogue qui était fort intéressant. En faisant un soupire agacé, j’attrapa le téléphone le portant à mon oreille. Mon cher interlocuteur, qui se trouvait en masqué, avait intérêt à me fournir une bonne raison. Je détestais être coupé en plein dialogue, qui plus est un dialogue sympathique et intéressant. J’eus un soupir avant de dire, agacé.

« - Ouais ? »

« - Suli, c’est James, j’ai une info… »

Sulivan tourna quelque peu sa tête sur le côté, surpris et intéressé. Ce n’était pas souvent qu’il appelé pour dire cela. De plus, le ton sérieux l’intrigua. Il alluma une cigarette avant de répondre.

« - Hum… Vas-y, dit. »

« - Il y a eu un meurtre assez sanglant, dans la rue d’Algonquin. Beaucoup de flic ont été demandé. Je trouvais l’info assez importante… »

« - Un meurtre assez sanglant ? » l'avait coupé Sulivan dans sa justification.

« - Un homme et une femme. Paraît que la femme n’a plus d’œil… Que l’homme n’a plus de crâne… »

Sulivan retenu un petit gémissement de dégout. Il fronça le nez, fermant quelque peu les yeux. Après l’annonce, il sembla réfléchir. Un blanc vint s’installer pendant quelques secondes. Il regarda Caladrik intensément puis un sourire vint fendre son visage pour l’illuminer.

« - Ok. J’envoie un de mes hommes. Merci pour l’info. »

« - De rien. Normalement, Albert est censé être prévenu… »

« - Ok. Je l’appelle juste après. »

Il raccrocha sans laisser à son informateur de répondre. La discussion avait assez duré. Il fit un sourire à Caladrik avant de se lever. Il se dirigea vers ses oiseaux, posant ses doigts sur la cage.

« - Je suis désolé mais cette discussion va s’arrêter là, mais elle reprendra bien assez tôt. J’aimerais que tu me rapportes un bel article. Il y a eu un meurtre assez sanglant. Une femme et un homme. Elle n’a plus d’œil et l’homme n’a plus de crâne. J’aimerais que tu m’écrives quelque chose là-dessus. Quand tu auras fini, tu reviendras ici. Comme cela, je pourrais juger par moi-même de tes compétences. Ce n’est qu’une formalité, je pense que tu as toute les capacités requise pour cet emploi. Là bas, tu demanderas un certain Albert Frugal, je le préviendrais de ta venue. Il pourra t’aider pour ta première fois et te donnait des informations supplémentaires dut à son expérience. Tu peux y aller. J’espère que tu me reviendras avec un très bon article. »

Il se retourna quelques secondes vers lui, arborant un sourire réconfortant puis revint vers ses oiseaux.